Rapport de synthèse des premières journées

Les lundi 28 et mardi 29 avril 2003, se sont tenues dans la salle des banquets de Ouaga 2000 les premières journées du CAPES sur le renforcement des capacités.

Autour du thème « Pour une stratégie nationale de renforcement des capacités », plus de 250 participants représentants les acteurs de l’Administration, de la société civile, du secteur privé, des collectivités décentralisées et déconcentrées, des scientifiques et universitaires se sont retrouvés pour partager des réflexions sur le renforcement des capacités, les exportations, la croissance et l’éducation.

Ces journées qui marquaient la première sortie scientifique du CAPES ont permis de réunir des compétences diverses qui ont échangé sur les différents aspects des problématiques de renforcement des capacités au Burkina Faso et en Afrique.

Au terme de ces journées bien remplies, des recommandations ont été faites sur :

  • l’organisation d’ateliers spécifiques,
  • la finalisation de l’élaboration consensuelle d’un plan national de renforcement des capacités,
  • l’institutionnalisation des journées du CAPES ;
  • la prise en compte de la dimension culturelle, morale et environnementale dans le renforcement des capacités ;
  • la prise en compte des recommandations de l’étude sur les exportations dans le CSLP.

Après la cérémonie officielle d’ouverture, les travaux de la première journée ont débuté par deux communications sur le thème du renforcement des capacités.

La première communication faite par Dr Alioune SALL a traité de « La problématique du renforcement des capacités en Afrique » .

Dans son exposé, le conférencier a d’abord fait un rapide survol historique de la notion de développement des capacités, une notion récente mais biaisée par moment en ce sens qu’elle prend rarement en compte les communautés de base, la société civile ou le secteur privé, une notion surtout sévèrement critiquée parce que se focalisant uniquement sur la formation prise pour le tout des capacités.

Il a ensuite présenté quelques questions-clés qui consacrent l’évolution de la compréhension de la problématique du développement des capacités depuis peu, dans un contexte marqué par l’émergence du concept de Développement Humain Durable (DHD).

Ces questions-clés appellent un nouveau paradigme de développement (le DHD étant en quelque sorte une remise en question de la mondialisation néo-libérale qui génère bien la croissance mais pas le développement), un nouveau scénario où les Africains peuvent de manière participative esquisser eux-mêmes leur futur, un futur voulu.

Ce scénario est articulé autour d’éléments essentiels touchant aussi bien à la productivité de l’économie, au rôle des entrepreneurs culturels, à la préservation des ressources naturelles, à l’amélioration des services publics, à la décentralisation, à la citoyenneté qu’à la démocratie.

Enfin, le Dr Alioune SALL a esquissé quelques pistes de réflexion qui suggèrent que pour une politique efficiente de développement des capacités, il y a lieu d’élaborer des indicateurs synthétiques de capacité, d’harmoniser et coordonner les types d’appui en matière de développement des capacités, de promouvoir une réflexion africaine et d’intégrer le développement des capacités dans le système de gestion de développement du pays.

Il a conclu son exposé en faisant remarquer la similitude de vue entre l’ACBF, le CAPES et Futurs Africains qui tous ont une vision holistique de la problématique du renforcement des capacités qui doit être considéré comme partie intégrante du processus de développement.

Quant à la deuxième communication portant sur le renforcement des capacités au Burkina Faso, Monsieur Pierre Claver DAMIBA a procédé à la restitution d’une étude commanditée par le CAPES.

Après avoir situé le contexte et justifié la pertinence de l’étude, le conférencier a dressé le constat de déficit des capacités à tous les niveaux au Burkina et critiqué l’approche tronquée du renforcement des capacités très souvent assimilé uniquement à la formation.

Pour Mr DAMIBA, le renforcement des capacités s’entend au sens holistique du terme. C’est un tout, un véritable compact où les différents éléments constitutifs à savoir la formation, les systèmes, la logistique, les motivations et le comportement sont interdépendants et opèrent en chaîne ou interagissent pour former un système moléculaire des capacités.

En d’autres termes, la formation reçue n’est opérante et valorisée que dans un environnement favorable alliant moyens de travail adéquats et incitations qui, en retour insufflent chez l’individu la quête de l’excellence et un comportement véritablement professionnel.

En outre, le renforcement des capacités s’inscrit dans le long terme et englobe les individus, les institutions, la société et leurs réseaux.

Le conférencier a terminé par la proposition d’éléments de stratégie de développement des capacités articulés autour des axes stratégiques suivants :

  • Promouvoir des gouvernances stratégiques et prospectives ;
  • Renforcer l’existant au niveau des individus et des institutions ;
  • Spécialiser les capacités pour être compétitif sur le marché ;
  • Développer les capacités de masse, pivot central dans le dispositif stratégique.

Les discussions et échanges à l’issue des deux exposés ont mis l’accent sur la nécessité d’avoir une vision partagée du renforcement des capacités qui sera d’une importance capitale dans la décentralisation, d’opérationnaliser le concept, d’établir des priorités, de résoudre la question de financement, de prendre en compte les valeurs morales et civiques, la culture entreprenariale, les ressources naturelles et d’associer intimement la société civile dans le processus. En outre, une recommandation a été émise à l’adresse du CAPES de poursuivre le travail dans le sens de l’élaboration d’un plan national de renforcement des capacités.

Les travaux de la première journée se sont poursuivis dans l’après-midi avec les communications du Professeur Jean-Claude Berthélémy sur Prospective de croissance économique en Afrique , et du Docteur Abdoulaye Zonon sur Exportations, croissance et lutte contre la pauvreté au Burkina Faso .

Le Professeur Berthélémy a d’abord relevé que la publication de l’OCDE Perspectives économiques de l’OCDE dans sa partie concernant le Burkina, a été réalisée en collaboration avec le CAPES, avant d’indiquer que la communication présentée est une synthèse du rapport L’Afrique émergente qu’il a dirigé à l’OCDE entre 1998 et 2001, rapport qui s’appuyait sur des études de cas dont une sur le Burkina.

Le Professeur Berthélémy a souligné la difficulté de l’exercice de prospective de croissance économique en Afrique, mais également son intérêt par la démarche analytique qu’il permet d’engendrer.

Il a ensuite mentionné qu’une croissance rapide est possible en Afrique. Cette conviction s’appuie sur le fait que l’Afrique a connu par le passé de nombreuses expériences de croissance rapide prolongées. Pour une vingtaine de pays africains, la croissance du PIB par habitant a été supérieure à 3,5 % par an, ce qui correspond à un doublement PIB par habitant en 20 ans. Mais très souvent, ces expériences se sont terminées par des épisodes de crise. Ce qui amène à étudier les causes de ces crises par des instruments d’analyse économique.

Le Professeur Berthélémy a de ce fait abordé des questions méthodologiques. Il a indiqué qu’il existait des problèmes méthodologiques associés à l’identification des facteurs de la croissance. D’où la nécessité de regrouper les données macroéconomiques des différents pays africains. Il s’agit aussi d’élaborer un cadre analytique prenant en compte les facteurs de production et la productivité globale des facteurs. Le modèle de croissance se résume à trois équations concernant la production, l’investissement et la balance des paiements.

Le Professeur Berthélémy a présenté et commenté des résultats sur la fonction de production, la fonction d’investissement, les scénarios de croissance, la décomposition de la croissance, du produit par tête, la décomposition de la croissance de la productivité globale des facteurs, et les scénarios sur le capital humain.

Ainsi, il ressort que l’aide étrangère contribue très peu à l’investissement. Les flux d’aide étrangère ne se transforment que pour 20 % en investissement, le reste se constitue de consommation publique. Le champ des possibles apparaît donc limité ici. Au niveau des scénarios de croissance du PIB par habitant, ils sont très favorables pour le Burkina : de 2,4 % à 3,7 % par an entre 1996 et 2020. L’analyse de la décomposition de la croissance de la productivité générale des facteurs et des scénarios sur le capital humain, montre l’importance de l’éducation comme variable déterminante.

Pour finir, le Professeur Berthélémy est revenu sur le caractère aléatoire des prévisions, l’identification des marges de manœuvres pour la politique de croissance et les tendances déjà déterminées par les politiques passées, le choix à faire entre croissance extensive ou intensive, et le rôle des politiques éducatives.

Soulignant l’importance de la croissance économique dans la lutte contre la pauvreté et la forte corrélation entre la croissance des exportations et celle du PIB, le Docteur Zonon a indiqué que l’étude que le CAPES présente sur ce thème s’appuie sur ce postulat, en analysant la relation qui existe entre croissance économique et exportations au Burkina, la situation des exportations, la politique des exportations, et en faisant des recommandations pour leur promotion.

Sur le premier point, le Docteur Zonon a relevé que parmi tous les pays de l’UEMOA le Burkina est le pays qui exporte le moins par rapport à son volume de PIB (9,9%) et est le plus fermé à l’économie mondiale (40,79%). Il a également souligné la faiblesse des exportations du pays alors que les exportations sont importantes tant au niveau de la compétitivité, de l’endettement, du déficit du compte courant et de la lutte contre la pauvreté. Ainsi, la pauvreté a diminué de 7,7 points chez les producteurs de coton alors qu’elle a augmenté dans presque toutes les couches de la population. Elle aurait pu diminuer encore plus si une politique de prix au producteur plus favorable était appliquée.

Sur le second point, le Docteur Zonon a montré l’impact positif de la croissance des exportations sur celle du PIB au Burkina. Il a mis en évidence la structure des exportations du Burkina, leur évolution, leur concentration, le lien entre coton et sécurité alimentaire, et le fait que l’élevage restait un secteur peu soutenu bien qu’il constitue la première source de revenus pour 64% de la population active.

Sur le troisième point, les contraintes qui pèsent sur les exportations au Burkina ont été soulevées par le Docteur Zonon. Il a aussi abordé la question de la promotion des exportations. Les contraintes concernent essentiellement la compétitivité et l’organisation des filières. Quelques exemples de filières ont étayé ses propos qui ont également soulevé des problèmes liés à la qualité, aux faiblesses de capacité et au désengagement de l’Etat. Au niveau de la promotion des exportations, il est noté que la politique annoncée est clairement en faveur du développement des exportations, mais mise à part la filière coton, la politique pratiquée reste insuffisante.

En conclusion et recommandations, le Docteur Zonon note que de façon générale, les filières d’exportation sont mal organisées sauf celle du coton, que l’organisation de la filière coton est un exemple de succès qui devrait inspirer celles des autres, que l’un des problèmes cruciaux des filières est le manque de systèmes de financement adéquats, que les filières d’exportation fonctionnent en deçà de leur potentiel et que des gains de parts de marché sont possibles si un ensemble de réformes est mis en place pour soutenir de façon active, toutes les filières comme celle du coton. Les recommandations sont regroupées en recommandations institutionnelles, par filières et transversales.

Au niveau institutionnel, il est recommandé l’élaboration et la mise en œuvre d’un Plan d’Actions Prioritaires pour la relance des exportations et le renforcement des capacités des acteurs et des structures d’appui. Au niveau des filières, leur structure efficace est recommandée à l’image de celle de la filière coton. Au niveau transversal, les recommandations portent sur la réduction des coûts des facteurs de production et sur la fiscalité.

Après ces deux communications, plusieurs questions et interventions sont venues de la part des participants. Elles ont généralement souligné la pertinence des thèmes abordés, la justesse des analyses faites par les deux conférenciers. Des amendements ont par ailleurs été proposés pour enrichir les études présentées.

Les travaux de la première journée se sont poursuivis dans l’après-midi avec les communications du Professeur Jean-Claude Berthélémy sur Prospective de croissance économique en Afrique , et du Docteur Abdoulaye Zonon sur Exportations, croissance et lutte contre la pauvreté au Burkina Faso .

La journée du mardi 28 avril a vu la présentation de trois communications ; une par le prof. Berthélémy sur le thème « éducation de base et stratégie de développement en Afrique » suivie de celle faite par le Ministre de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation sur le thème « Education de base et développement au Burkina Faso : le PDEB ». La troisième communication a porté sur l’enseignement supérieur et le développement en Afrique ; il a été animé par le Prof Karamoko KANE du PTCI. Ces exposés forts enrichissants ont été salués unanimement pour leurs qualités et pour les débats très instructifs qu’ils ont permis d’instaurer. C’est le Prof. Laya SAWADOGO, Ministre des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique qui a dirigé les travaux et présidé la cérémonie de clôture.

En marge de ces journées se sont déroulés à l’attention d’une quinzaine de cadres de l’Administration, les 29 et 30 Avril au CAPES, des ateliers de formation en analyse prospective qui ont abouti à la détermination précise des besoins de formation complémentaire en la matière.

Recommandations

Recommandation pour la poursuite de l’élaboration de plans consensuels de renforcement des capacités .

  • Considérant l’importance et la pertinence des communications développées au cours des premières journées de renforcement des capacités du CAPES sur le thème « pour une stratégie de renforcement des capacités » ;
  • Considérant que quelle que soit l’importance et la pertinence du thème de renforcement des capacités, la mise en œuvre de politiques de renforcement des capacités, suppose l’existence de plans sectoriels, consensuels, cohérents et opérationnels ;
  • Considérant que la décision d’élaborer un plan de renforcement des capacités consensuel qui date de 1996 et qui n’est toujours pas réalisée traduit les difficultés objectives de la problématique ;

Nous participant aux premières journées du CAPES sur le renforcement des capacités tenues les 28 et 29 Avril 2003 à Ouagadougou recommandons que des plans d’actions sectoriels pertinents et consensuels soient élaborés et mis en œuvre :

  1. Encourageons le CAPES à appuyer l’élaboration desdits plans et de la mobilisation des fonds requis ;
  2. demandons le soutien des partenaires au développement pour l’élaboration et la mise en œuvre des dits plans.

Recommandation sur l’institutionnalisation des journées du CAPES

  • Considérant que le renfoncement des capacités est de plus en plus reconnu comme le chaînon manquant pour assurer un véritable développement économique et assurer une réduction effective de la pauvreté ;
  • Considérant que les premières journées du CAPES sur le renforcement des capacités tenues les 28 et 29 avril sur le thème « pour une stratégie de renforcement des capacités » ont créé une occasion d’échanges riches et fructueux pour l’ensemble des participants ;
  • Considérant les énormes efforts consentis par le Gouvernement du Burkina Faso, la Fondation Africaine pour le Renforcement des Capacités (ACBF) et le Centre d’Analyse des politiques Economiques et Sociales (CAPES) pour la tenue effective de ces journées ;

Nous, participants aux premières journées du CAPES sur le renforcement des capacités :

  1. adressons nos sincères remerciements au Gouvernement du Burkina Faso, à l’ACBF et au CAPES pour l’initiative combien heureuse de la tenue de présentes journées.
  2. demandons au Gouvernement, à l’ACBF et au CAPES d’examiner la possibilité d’institutionnaliser la tenue desdites journées ;

Recommandation sur la prise en compte de l’étude sur les exportations dans le cadre stratégique de la lutte contre la pauvreté (CSLP).

Considérant que les premières journées du CAPES sur le renforcement des capacités ont permis à travers l’étude sur « exportations, croissance et lutte contre la pauvreté » de mettre en exergue l’importance des exportations dans la lutte contre la pauvreté ;

Considérant la nécessité d’opérationnaliser les travaux scientifiques du CAPES ;

Nous participants aux premières journées du CAPES sur le renforcement des capacités recommandons :

  • Premièrement : qu’un atelier spécifique soit organisé avec le CAPES, le Ministère du Commerce, l’ONAC et les exportateurs pour discuter des recommandations de l’étude « Exportations, croissance et lutte contre la pauvreté » et les moyens de les mettre en œuvre.
  • Deuxièmement : Que l’étude « Exportations, croissance et lutte contre la pauvreté » soit versée aux documents servant à alimenter le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté.

Recommandations sur la prise en compte de la dimension culturelle et environnementale dans le renforcement des capacités.

Considérant la mondialisation et ses effets néfastes sur nos valeurs culturelles ;

Considérant la richesse de nos terroirs en savoir-faire locaux ;

Considérant le caractère endogène de tout processus de développement participatif ;

Les premières journées du CAPES sur le renforcement des capacités tenues les 28 et 29 Avril 2003 à Ouagadougou, recommandent que dans le cadre de l’élaboration de la stratégie nationale de renforcement des capacités il soit pris en compte :

  1. L’enracinement du renforcement des capacités dans les valeurs morales, civiques et culturelles de ces populations ;
  2. La valorisation des savoirs-faires traditionnel ;
  3. La recherche d’une assimilation harmonieuse par ces populations de techniques nouvelles ;
  4. La prise en charge par ces populations elles-mêmes de la gestion des ressources naturelles qui leur incombent.

Fait à Ouagadougou, le 29 Avril 2003

Les participants